Etude pour la caractérisation chimique des vernis appliqués sur des gravures transparentes de Nicéphore Niépce

Jean-Philippe Echard, Agnès Lattuati-Derieux et Bertrand Lavédrine, 2007

Pour connaître la technique et le matériau utilisés par Nicéphore Niépce pour rendre transparentes des gravures sur papier, des recherches bibliographiques et des analyses chimiques ont été menées.

 

Les recherches bibliographiques se sont appuyées d'une part sur les archives documentaires de Nicéphore Niépce, via les travaux de synthèse de Michel Frizot et l'ouvrage de Jean-Louis Marignier; d'autre part sur les documents ayant trait à l'histoire des techniques pour rendre transparents des documents graphiques.

 

Les travaux de recherche réalisés sont les premiers à identifier des matériaux des œuvres de Niépce.

Le protocole d’analyse in situ a permis d’étudier, de manière non destructive, cet ensemble de gravures.

Les vernis des quatre gravures étudiées, « La Sainte Famille », « Le Cardinal d’Amboise », « L’esclave » et « Le vieillard en buste » sont identiques. Ils ont pu être identifiés comme un vernis à l’alcool à base de résine d'arbres de la famille des conifères Pinaceae qui correspond très probablement à de la colophane.

Il apparaît donc possible d’étudier les autres gravures de Niépce.

La térébenthine de Venise et la colophane (encore plus) sont des matériaux communément utilisés en Europe comme ingrédients dans les vernis, au moins depuis le seizième siècle. Il est tout à fait possible que Nicéphore Niépce ait pu obtenir aisément l'un ou l'autre de ces deux matériaux. Il est certain qu'il possédait au moins de la colophane en 1833 (cf. Annexes § 7.).

 

Pour préparer un vernis avec l'un ou l'autre, de ces matériaux, deux techniques sont communes.

La première consiste à dissoudre la résine dans de l'alcool ou de l'essence de térébenthine ou de lavande. Ces solvants peuvent en effet solubiliser les deux résines. Le vernis est alors appliqué au pinceau. Le solvant, en s'évaporant, permet la formation d'un film durci de résine.

 

La deuxième consiste à dissoudre à chaud la résine dans une huile siccative (de lin, de pavot, de noix). Après refroidissement, on applique le liquide au pinceau. Le séchage dans ce cas ne se fait pas par évaporation de solvant, l'huile n'étant pas volatile, mais par polymérisation radicalaire des acides gras insaturés de l'huile. Le temps de séchage est notoirement plus long. Cependant, aucune huile n'a été détectée dans l'échantillon. Cette deuxième hypothèse peut être écartée.

 

Niépce a donc probablement utilisé un vernis composé de colophane dissous dans l'alcool, dans l'essence de térébenthine ou de lavande. Des deux types de vernis décrits ci-dessus, c'est d'ailleurs le plus facile à mettre en œuvre. Cependant, l’utilisation de la colophane pour l’imprégnation de papiers présente des inconvénients majeurs dont sa grande sensibilité à la chaleur qui provoque son brunissement et son caractère acide qui entraîne une dégradation des fibres de cellulose. Il convient donc de conserver ces gravures dans des conditions adaptées à leurs fragilités.